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La France dans la Deuxième Guerre mondiale

Dernière mise à jour : 12 nov.

Résistance et collaboration. Les persécutions des Juifs et des Tsiganes






Par Didier Cariou, maître de conférence HDR en didactique de l’histoire à l’Université de Bretagne occidentale








Références bibliographiques :

AGLAN Alya (2017). La France défaite 1940-1945. Documentation photographique n° 8120. La documentation française.

NOIRIEL, Gérard (2019). Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours. Agone.

ROUSSO, Henry (2007). Le régime de Vichy. PUF, Que-sais-je ?

ROUSSO, Henry (2015). Le régime de Vichy. Textes et documents pour la classe n°1088, Canopé Éditions.


Mort-clés :

Débâcle, Exode, Maréchal Pétain, général De Gaulle, Armistice, Zone occupée, Zone non-occupée, Prisonniers de guerre, Tirailleurs sénégalais

Régime de Vichy, État français, Laval, Pleins pouvoirs constitutionnels, Actes constitutionnels, Tribunaux d’exception, Maréchal, nous voilà, Révolution nationales, « Travail, famille, patrie », 1er mai, Charte du travail, « La terre, elle, ne ment pas », Comités d’organisation, Fête des mères, Collaborationnistes, Collaboration d’État, Entrevue de Montoire, Collaboration économique, STO, Collaboration militaire, LVF, Collaboration policière, Bousquet, Milice, Rationnement, Marché noir.


Génocide des Juifs, Révision des naturalisations, Statut des Juifs, Recensement des Juifs, Aryanisation, Commissariat général aux question juives, Drancy, Étoile jaune, Rafle du Vel’d’Hiv’, Discours de Chirac en 1995, Livret de circulation des Tsiganes, Camps.


Résistance, Appel du 18 juin 1940, France libre, FFL, Grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, Actes de résistance, Graffitis, Tracts, Réseaux, Mouvements, Sabotage, Attentats, Exécutions, FTP, FTP-MOI, Affiche rouge, Jean Moulin, CNR, CFLN, GPRF, FFI, Programme du CNR, Libération, Épuration.


Que dit le programme ?


Comme pour la Première Guerre mondiale, il est attendu que l’étude de la Seconde Guerre mondiale parte des traces qui en sont restées dans les paysages, dans les archives, dans la mémoire familiale. Pour le reste, la fiche Eduscol est assez elliptique :


Extrait de la fiche Eduscol, « La France des guerres mondiales à l’Union européenne » :



Introduction

Aujourd'hui encore, la vie politique et la société française sont largement structurées par la référence à la période de l’Occupation, de la collaboration et de la résistance. La connaissance de cette période historique est nécessaire à la compréhension d’un passé vécu par nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents, qu’ils aient vécu en France ou dans les anciennes colonies. Pour ces raisons, ce chapitre est sans dote le plus essentiel de tous les chapitres d’histoire figurant dans le programme du cycle 3.

Étudier la France dans la Deuxième Guerre mondiale permet également de comprendre des enjeux politique essentiels pour la société française d’aujourd’hui et de se défier des thèses nauséabondes qui polluent régulièrement le champ politique. La persécution et la déportation des Juifs, qui furent largement le fait du régime de Vichy, posent plus largement la question des discriminations et de la citoyenneté : que signifie concrètement le fait de discriminer des personnes et de leur ôter l’accès à la citoyenneté en raison de leur appartenance à une supposée race ? L’opposition entre la collaboration et la résistance pose la question des valeurs que nous devons défendre : fallait-il profiter de la défaite de l’armée française face à l’armée allemande pour mettre en place une dictature d’extrême-droite supprimant la démocratie et les principes issus de la Révolution française, ou fallait-il au contraire s’engager pour défendre ces derniers ?


1. La Débâcle de mai-juin 1940

1.1. La Débâcle et l'Exode

Rappelons que l’armée allemande attaqua les Pays-Bas et la Belgique le 10 mai 1940, puis la France le 13 mai en passant par les Ardennes. Elle prit à revers l’armée française qui se pensait protégée par les fortifications de la ligne Maginot. Malgré des combats parfois acharnés, l’armée française, que l’on pensait la première du monde, fut battue en un mois. C’est ce que l’on appela la Débâcle. Au même moment, les populations civiles du Nord-Est de la France fuirent l’avancée de l’armée allemande pour se réfugier au sud de la Loire, dans un chaos généralisé. C’est l’Exode, qui vit huit à dix millions de personnes partir sur les routes, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées, puisque les hommes combattaient. Il est important de rappeler ce double traumatisme pour expliquer pourquoi Pétain a pu être accueilli comme un sauveur pour les populations désemparées.

Au sein du gouvernement français dirigé par Paul Reynaud, se posa alors la question de la poursuite de la guerre. Deux options étaient possibles : la capitulation militaire ou l’armistice. La capitulation supposait la reconnaissance de la défaite sur le terrain, mais n’excluait pas la poursuite des hostilités, par exemple en Afrique du Nord. Cette option était défendue par le général de Gaulle (récent sous-secrétaire d’État à la guerre depuis le 5 juin) et par Paul Reynaud, le président du Conseil (équivalent de notre premier ministre). L’armistice, quant à elle, engageait la responsabilité politique du gouvernement et mettait fin à toute hostilité. Cette option était défendue par Pétain, ministre de la guerre. Reynaud démissionna le 16 juin. Le président de la République Albert Lebrun nomma alors le maréchal Pétain président du Conseil. Le 17 juin 1940, par un discours radiodiffusé, Pétain annonça son intention de demander l’armistice à l’Allemagne.


Document : Le discours radiodiffusé du maréchal Pétain, le 17 juin 1940


Français !


À l’appel de M. le président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la patrie.


Source : https://www.france-libre.net/discours-petain/


Le 18 juin 1940, le général de Gaulle, éphémère sous-secrétaire d’État du gouvernement Reynaud, arrivé en Angleterre la veille, prononça son appel à la résistance sur les ondes de la BBC, qui fut en réalité très peu entendu, afin de contredire le discours tenu la veille par Pétain. Ces deux discours témoignent d’analyses diamétralement opposées sur la situation internationale. Pétain partageait l’avis du théoricien d’extrême-droite Charles Maurras pour qui la défaite fut une « divine surprise » qui permettrait d’en finir avec la République (la « gueuse ») et les mesures du Front populaire. Pétain considérait également que l’Allemagne allait gagner la guerre et que la défaite de la Grande-Bretagne était proche. Il fallait donc se placer du côté du futur vainqueur pour ménager une bonne place à la France dans la future Europe allemande. L’annonce de l’armistice soulagea la plupart des français égarés sur les routes de l’Exode. Pour De Gaulle au contraire, il fallait poursuivre le combat aux côté des Britanniques en s’appuyant sur les ressources de l’empire colonial, en attendant l’engagement des États-Unis qui renverserait le rapport des forces à l’échelle mondiale.

2.2. L'armistice du 22 juin 1940

2. Le régime de Vichy et la collaboration


2.1. L’installation du régime de Vichy

Le régime de Vichy présente deux faces complémentaires. D’une part, ce régime servit à gérer les conséquences de la défaite et de l’occupation des deux tiers de la France par l’armée allemande, tout en s’efforçant de ménager une place pour la France dans la future Europe allemande. Cette perspective explique la politique de la collaboration. D’autre part, ce régime chercha à profiter de la situation pour changer en profondeur la société française selon les orientations des courants d’extrême-droite français, anti-démocratiques et antisémites.

Le gouvernement français s’installa, pour toute la durée de la guerre, à Vichy, une ville thermale proche de la ligne de démarcation et dont les nombreux hôtels pouvaient accueillir les services de l’État. L’ancien président du Conseil Pierre Laval intrigua pour obtenir l’effacement du Parlement, pour mettre en place un gouvernement dirigé par lui-même, sous l’autorité du maréchal Pétain. Le 10 juillet, la chambre des Députés et le Sénat réunis en Assemblée nationale au casino de Vichy votèrent par 570 voix contre 80 (dont le sénateur-maire de Brest, Victor Le Gorgeu) et 17 abstentions (sachant que les élus communistes avaient été déchus de leur mandat et que 27 parlementaires étaient absents car ils s’étaient rendus en Afrique du Nord) les pleins pouvoirs constitutionnels au maréchal Pétain, âgé de 84 ans. Ils adoptèrent le texte de la loi constitutionnelle suivante :


« L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille, de la patrie. Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées ».


Le 11 juillet le président Albert Lebrun dût résigner ses fonctions, laissant la voie libre à Pétain qui devint l’équivalent, en même temps, du président du Conseil et du président de la République. Les 11 et 12 juillet, Pétain promulgua quatre « actes constitutionnels » qui abrogèrent les institutions républicaines et qui instaurèrent sa dictature sous le nom de « l’État français » et son programme de la « Révolution nationale ».


Acte constitutionnel n°1

Nous, Philippe Pétain, maréchal de France,

Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,

Déclarons assumer les fonctions de chef de l’État français.

En conséquence, nous décrétons :

L’art. 2 de la loi constitutionnelle du 25 février. 1875 est abrogé.


Acte constitutionnel n°2 fixant les pouvoirs du chef de l’État français

Nous, maréchal de France, chef de l’État français;

Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,

Décrétons:

Article 1er – § premier. Le chef de l’État français a la plénitude du pouvoir gouvernemental, il nomme et révoque les ministres et secrétaires d’État, qui ne sont responsables que devant lui.

§ 2. Il exerce le pouvoir législatif, en conseil des ministres: 1° Jusqu’à la formation de nouvelles Assemblées;. 2° Après cette formation, en cas de tension extérieure ou de crise intérieure grave, sur sa seule décision et dans la même forme. Dans les mêmes circonstances, il peut édicter toutes dispositions d’ordre budgétaire et fiscal.

§ 3. Il promulgue les lois et assure leur exécution.

§ 4. Il nomme à tous les emplois civils et militaires pour lesquels la loi n’a pas prévu d’autre mode de désignation.

§ 5. Il dispose de la force armée.

§ 6. Il a le droit de grâce et d’amnistie.

§ 7. Les envoyés et ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui. Il négocie et ratifie les traités.

§ 8: Il peut déclarer l’état de siège dans une ou plusieurs portions du territoire.

§ 9. Il ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment préalable des Assemblées législatives.

Article 2 – Sont abrogées toutes dispositions des lois constitutionnelles des 24 février 1875, 25 février 1875 et l6 juillet 1875, incompatibles avec le présent acte.


Acte constitutionnel n°3 prorogeant et ajournant les chambres

Nous, maréchal de France, chef de l’État français ;

Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,

Décrétons :

Article 1er – Le Sénat et la Chambre des. députés subsisteront jusqu’à ce que soient formées les Assemblées prévues par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.

Art. 2 – Le Sénat et la Chambre des députés sont ajournés jusqu’à nouvel ordre. Ils ne pourront désormais se réunir que sur convocation du chef de l’État

Art. 3 – L’art. 1er de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 est abrogé.


Acte constitutionnel n°4 relatif à la suppléance et à la succession du chef de l’État

Nous, maréchal de France, chef de l’État français ;

Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,

Décrétons :

Article 1er – Si pour quelque cause que ce soit avant la ratification par la Nation de la nouvelle Constitution, nous sommes empêché d’exercer la fonction de chef de l’État, M. Pierre Laval, vice-président du conseil des ministres, l’assumera de plein droit.

Art. 2 – Dans le cas où M. Pierre Laval serait empêché pour quelque cause que ce soit, il serait à son tour remplacé par la personne que désignerait, à la majorité de sept voix, le conseil des ministres. Jusqu’à l’investiture de celle-ci, les fonctions seraient exercées par le conseil des ministres


Source : https://www.legifrance.gouv.fr/download/securePrint?token=Pb9sv@3yGv0vf6eXBOpB


Ces actes débutaient donc par un « Nous, maréchal de France » très monarchique et très militaire. Les deux premiers actes constitutionnels mettaient fin à la République en instaurant la dictature personnelle de Pétain qui s’arrogeait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et une partie du pouvoir judiciaire. Le troisième acte ajournait la Chambre des députés et le Sénat et le quatrième acte organisait sa succession en désignant Pierre Laval comme son « dauphin ».

Ces actes abolirent le principe de la souveraineté nationale et du mandat électif puisque, désormais, l’autorité était conférée par l’échelon hiérarchique supérieur. Selon ce principe, les conseils généraux des départements (12 octobre 1940) furent remplacés par des commissions administratives départementales nommées par les préfets qui devaient eux-mêmes prêter serment de fidélité à Pétain. Dans les communes de plus de 2 000 habitants, le maire et les adjoints devaient également être nommés par le préfet (16 novembre 1940). En avril 1941, furent créées dix-huit préfectures régionales censées recréer les provinces de l’Ancien Régime. Elles servirent surtout à renforcer le contrôle de l’État car les préfets régionaux possédaient des pouvoirs étendus en matière de police et de ravitaillement. A cette occasion le département de Loire-inférieure fut détaché de la région Bretagne et rattaché à la nouvelle région qui serait nommée plus tard Pays de la Loire.

Sur le plan judiciaire, les magistrats durent prêter un serment de fidélité à Pétain (contre le principe de séparation des pouvoirs) et des tribunaux d’exception furent mis en place : en 1941, la Cour suprême de justice réunie à Riom jugea les dirigeants de la Troisième république (les présidents du Conseil Léon Blum et Édouard Daladier, le général Gamelin, etc.) qui furent condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par Pétain, et les Sections spéciales jugèrent les résistants (assimilés à des terroristes). Pour assurer une plus grande efficacité répressive, la police fut centralisée et placée sous l’autorité de l’État. Ainsi, la loi du 23 avril 1941, tout d’abord dans la zone non-occupée, centralisa les polices municipales dans une police nationale qui ne dépendrait plus des maires mais de l’État.

Ces mesures, inspirées par les idées antiparlementaires d’extrême-droite, marquèrent la fin de la démocratie représentative et le rejet des élections remplacées par les nominations. En outre, les principales libertés publiques furent suspendues : les partis politiques et les syndicats furent dissous et les opposants furent pourchassés. Les symboles républicains perdurèrent (la Marseillaise, interdite en zone occupée, la fête nationale du 14 juillet, le drapeau tricolore). Mais une symbolique alternative se développa : le chant Maréchal nous voilà !, les bustes du maréchal à la place des bustes de Marianne dans les mairies. La propagande fut intense à la radio, aux actualités cinématographiques, dans les écoles et par la voie d’affichages. Un exemple de film de propagande : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe01000825/une-page-d-histoire-les-88-ans-de-petain


Document : Bustes de Pétain pour les mairies et les préfectures, mars 1943.

Source : Textes et documents pour la classe n° 1088, 2015, p. 17.


Document : Bon point à l'effigie du Maréchal Pétain distribué aux enfants par la Légion française des combattants (1940-1944)Recto et verso. Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bon_point.jpg

2.2. Les caractéristiques du régime de Vichy

2.3. La collaboration

2.4. La persécution des Juifs et des Tsiganes


3. La résistance française


3.1. L’entrée en résistance

La résistance ne concerna qu’une faible partie de la population française (près de 500 000 personnes lors des combats de la Libération) mais joua un rôle essentiel sur le plan politique. Nous avons vu plus haut comment la population se détacha progressivement de l’adhésion à Pétain, ce qui contribua à l’engagement de certaines personnes dans la résistance. En outre, les résistants mirent en place à la Libération des institutions et des organismes qui ont façonné notre société et qui la façonnent toujours.

Le 17 juin 1940 De Gaulle se rendit à Londres. Son appel du 18 juin 1940 à la BBC peut être considéré comme l’un des premiers actes de résistance. Comme nous l’avons vu, l’analyse de De Gaulle, réfugié à Londres, était l’inverse de celle de Pétain : la guerre n’était pas terminée, l’Allemagne ne pouvait pas être considérée comme victorieuse, il fallait poursuivre le combat avec la Grande-Bretagne, en s’appuyant sur les ressources de l’empire colonial et en attendant l’engagement des États-Unis dans le conflit. Bien entendu, presque personne en France n’entendit son appel : un grand nombre de Français étaient égarés sur les routes de l’Exode et il n’était pas encore habituel d’écouter la BBC.


Document : L’appel du général De Gaulle à la BBC à Londres (18 juin 1940)


Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non. Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limite l'immense industrie des États-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général De Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes, ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas. Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres.


De Gaulle rassembla dans le mouvement de la France libre les quelques volontaires qui affluèrent en Angleterre. Dès le 28 juin 1940, De Gaulle fut reconnu officiellement par le gouvernement britannique comme « le chef de tous les Français libres ». Mais il pesait d’un faible poids politique, comparativement à la reine des Pays-Bas, au roi de Norvège ou même aux ministres belges qui avaient rallié Londres. Pour s’imposer comme un interlocuteur valable face aux Britanniques puis aux Américains, De Gaulle devait disposer d’une force armée ainsi que d’une base territoriale. Le 7 août 1940, il signa avec Churchill un accord officialisant la constitution d’une force française de volontaires, rassemblant tous ceux qui l'avaient rejoints ou qui allaient le rejoindre à Londres. Parallèlement, à la fin du mois d’août 1940, à l’initiative du gouverneur du Tchad Félix Éboué et d’envoyés de De Gaulle, les territoires coloniaux de l’Afrique Équatoriale Française (AEF, à savoir le Tchad, l’Oubangui-Chari, le Gabon et le Congo français), ainsi que que le Cameroun, signifièrent leur adhésion à la France Libre. De ce fait, Brazzaville devint officiellement la capitale de la France libre, le 28 août 1940. Le 27 octobre 1940, De Gaulle gagna Brazzaville pour y installer le Conseil de défense de l’Empire, chargé d’administrer les territoires ralliés ainsi que les forces militaires engagées derrière De Gaulle. Cette instance fournissait à De Gaulle un embryon de légitimité politique. Les populations africaines ne furent évidemment pas consultées et furent recrutées (pas toujours de leur plein gré) au sein des Forces françaises libres (FFL). Ces dernières marchèrent à travers le désert depuis le Tchad et remportèrent quelques succès symboliques en Libye (Koufra en mars 1941, Bir-Hakem en mai-juin 1942). Renforcées à partir de 1943 par des régiments marocains et algériens, elles combattirent en Italie et participèrent au débarquement de Provence, le 15 août 1944. Progressivement, des missions parachutées en France pour organiser des réseaux de renseignement renforcèrent l’autorité de De Gaulle parmi la résistance. Cependant, les relations difficiles avec Churchill, la méfiance de Roosevelt qui tint longtemps le régime de Vichy comme une autorité légitime et De Gaulle comme un apprenti dictateur, entravèrent longtemps l’action de De Gaulle.

En France même, des personnes isolées et éparpillées refusèrent la défaite et s’engagèrent d’elles-mêmes dans la résistance au nom des valeurs héritées de la Révolution française. Très peu d'entre elles avaient entendu l'appel du général De Gaulle. Elles imprimèrent des tracts, inscrivirent des graffiti sur les murs, organisèrent des manifestations comme celle des étudiants parisiens, le 11 novembre 1940. Des militants communistes et syndicalistes s’organisèrent très vite malgré l’attentisme du PCF paralysé par le respect du pacte de non-agression entre Hitler et Staline. Cet engagement restait surtout individuel et il était le fait de jeunes et/ou de militants politiques comment l’indiquent les témoignages ci-dessous.


Document : Le récit d’une entrée en résistance

Le 18 juin 1940, je me trouve à Narbonne avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme. Je m’étais retrouvé là, affecté comme aspirant, avec les débris de mon régiment. Je n’ai pas entendu le général de Gaulle, j’ai écouté pour la première fois la radio de Londres quelques jours après, chez mon adjudant (…).

J’ai tout à fait en mémoire les journées précédentes. J’étais au champ de tir quand j’ai appris que Reynaud s’en allait. J’ai dit à mes camarades de régiment : « On rentre à la caserne, c’est cuit, les traîtres sont à la tête du gouvernement. Vous allez voir ce que c’est le fascisme ». Le 17 juin, le discours de Pétain a été diffusé par haut-parleurs dans les rues de Narbonne, précédé d’une Marseillaise qu’on écoutait au garde-à-vous. J’étais effondré. J’avais honte. Rien ne serait plus comme avant. Avec ma femme et ma belle-sœur, à mes côtés, nous pressentions le pire. Autour de nous pourtant l’armistice était bien accueilli, le sentiment anti-anglais était très profond (...).

Alors, avec mon frère, ma belle-sœur et ma femme, nous avons commencé notre résistance à notre façon, seuls, tous les quatre, en famille, avec une petite imprimerie portative. Nous tirions des tracts. Je les ai en mémoire : « Si la France est par terre, c’est la faute à Hitler, son drapeau dans l’eau sale, c’est la faute à Laval » (…). Après Mers-el-Kébir : « Vive l’Angleterre pour que vive la France ». Nous allions dans les bois de Narbonne les coller aux arbres.

Jean-Pierre Vernant, ancien chef FFI de Haute Garonne et historien, entretien paru dans Le Matin, 18 juin 1985.


Document : Les raisons d’une entrée en résistance

Je suis née dans une famille de vignerons mâconnais. A cause de mon père, grand blessé de la guerre 14-18, je fus très jeune passionnément pacifiste. Pendant mes études universitaires à la Sorbonne, de 1931 à 1938, j’ai été confrontée aux problèmes du fascisme et du racisme, aussi bien dans un cercle international de jeunesse qu’aux étudiants communistes. Des jeunes Polonais, Hongrois, Roumains, Allemands nous racontaient les persécutions politiques et raciales dans leur pays. Mon premier poste d’agrégée d’histoire fut le lycée de jeunes filles de Strasbourg. De l’autre côté du Rhin, Hitler avait derrière lui tout un peuple fanatisé. On savait que dans les camps étaient réunis les hommes de gauche et les Juifs allemands sous la garde de SS et de droits communs. On les appelait déjà « camps de concentration ».

Pendant l’année scolaire 1938-1939, je fis la connaissance d’un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées qui, sursitaire, faisait son service militaire comme sous-lieutenant du Génie à Strasbourg. Il venait de passer un an au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Je devais, l’année suivante, aller avec une bourse aux Etats-Unis pour commencer une thèse. Il fut mon informateur sur la vie là-bas. Il fut bien plus. Vite amoureux l’un de l’autre, nous nous étions promis de nous marier à mon retour. La guerre a éclaté le 3 septembre 1939 et j’ai décidé de ne pas partir. Le 14 décembre 1939, nous étions mariés. Raymond Samuel était d’origine juive, ses ancêtres étaient venus de Pologne au début du dix-huitième siècle. Ses professeurs de Boston, après la débâcle, alors qu’il venait de s’évader d’un camp de prisonniers de guerre, lui ont offert un poste d’assistant ; moi, j’avais toujours ma bourse. En septembre 1940, nous avons demandé nos visas pour préparer notre départ vers les Etats-Unis ; puis nous y avons renoncé. Pouvions-nous laisser derrière nous nos familles, nos amis et notre pays occupé ? A partir de cette décision, notre destin était tracé : la participation à la création et au développement d’un Mouvement de Résistance.

Lucie Aubrac, Ils partiront dans l’ivresse, Seuil, 1984, p. 7-8.

3.2. L’organisation progressive de la résistance

3.3. La structuration de la résistance et la Libération

4. La Libération


4.1. La Libération

Après le débarquement en Normandie, les Alliés progressèrent d’une part vers Cherbourg et vers Brest, car ils avaient besoin d’installations portuaires pour débarquer le matériel venant des États-Unis par bateaux, et d’autre part vers la vallée de la Seine. La 2e division blindée du général Leclerc parvint jusqu’à Paris pour soutenir l’insurrection menée par la Résistance et qui fut victorieuse le 25 août 1944. Le même jour, à l’Hôtel-de-Ville de Paris, De Gaulle refusa de proclamer la République, comme cela avait été fait en 1848 et en 1870, car, selon lui, la République, incarnée par la résistance, n’avait jamais disparu. A cette occasion, il prononça ce célèbre discours : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ». Le lendemain, le 26 août 1944, De Gaulle, aux côtés des principaux dirigeants de la résistance, descendit les Champs-Élysées et la rue de Rivoli, depuis l’Arc de Triomphe jusqu’à l’Hôtel-de-Ville, au milieu d’une foule en liesse. Cet épisode confirma la légitimité politique de De Gaulle. (Cette séquence est à voir sur : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/25-aout-1944-paris-outrage-paris-brise-mais-paris-libere). De Gaulle installa aussitôt le GPRF à Paris pour gagner de vitesse les Alliés qui étaient tentés de placer la France sous administration militaire (AMGOT), comme tout pays conquis. Cette mesure était urgente : il fallait former un gouvernement représentatif, car composé de tous les responsables des mouvements de la résistance, y compris les communistes, pour éviter que les Alliés ne considèrent la France comme un État vaincu et ne lui imposent un régime d’occupation militaire.

A l’Ouest, les Américains rencontrèrent de grandes difficultés à s’emparer du port de Brest très solidement défendu par une division de parachutistes SS. Comme les soldats allemands étaient retranchés dans les immeubles du centre-ville, un destroyer américain les bombarda un à un pour avoir raison de la résistance allemande. Lorsque la garnison allemande capitula, le 18 septembre 1944, Brest n’était plus qu’un champ de ruines et le port était hors d’usage. Dès lors, les Américains décidèrent de ne plus réitérer l’expérience et se contentèrent d’assiéger les autres ports fortifiés par les Allemands en attendant la fin de la guerre. Ce furent les « poches » de Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle et Royan.

Le 15 août 1944, les troupes alliées qui avaient conquis l’Italie effectuèrent un débarquement en Provence puis remontèrent la vallée du Rhône jusqu’en Alsace. Comme nous l’avons vu, l’armée française incorporée à ces troupes était largement composée de soldats d’Afrique du Nord. Au moment où la victoire se profilait et où l’armée française allait entrer sur le territoire allemand, ces soldats furent congédiés et remplacés par les résistants français qui s’étaient engagés dans l’armée lors de la Libération. Il ne fallait pas que l’armée française pénétrant, victorieuse, sur le territoire allemand, soit composée principalement d’arabes et de noirs. Cette humiliation est racontée dans le film Indigènes de Rachid Bouchareb (2006). Le 15 septembre 1944, la majeure partie de la France et de la Belgique était libérée. Le 24 septembre 1944, un décret du GPRF mit fin à l’existence des FFI et organisa la démobilisation des résistants qui avaient combattu les armes à la main. Il leur était donné la possibilité de s’engager dans l’armée française des FFL, où ils durent s’adapter à la discipline militaire et où ils remplacèrent donc progressivement les soldats maghrébins et africains. L’urgence était de désarmer des jeunes hommes qui, depuis plusieurs mois, avaient combattu courageusement et de manière autonome. Certains parmi eux auraient pu être tentés de garder leurs armes et de combattre pour la transformation radicale de la société. Leur neutralisation fut également permise par leur intégration dans les Gardes civiques républicaines, ancêtres des actuelles CRS (qui furent mise au pas et épurées de leurs éléments subversifs à l'occasion du grand mouvement de grève de 1948). Au total, toutes les forces de la résistance furent démobilisées et seules les forces de l’État, la police, la gendarmerie et l’armée régulière, restèrent armées.

4.2. L'épuration

Conclusion

Environ 600 000 personnes en France ont perdu la vie durant la guerre : 210 000 soldats et résistants tués au combat, 150 000 victimes civiles des bombardements et de certains massacres, 240 000 morts en captivité et en déportation.

Après 1944, l’économie française connut de graves difficultés en raison des destructions occasionnées par les bombardements, les combats et les sabotages de la résistance. La moitié des voies ferrées, les deux tiers des wagons de marchandise et 5 locomotives sur 6 étaient détruits. En 1945, la production industrielle française ne représentait que 40 % de la production de 1938. Les privations perdurèrent et furent même accentuées après la Libération. En 1947, les rations alimentaires étaient encore plus faibles qu’aux pires heures de l’Occupation.

Les mesures énoncées par le programme du CNR (nationalisations, planification), financées ensuite par le plan Marshall, contribuèrent à la reconstruction de l’économie française, considérée comme achevée en 1955 seulement. Ces mesures économiques sont inséparables des mesures sociales dont la principale est la création du régime général de la Sécurité sociale en 1945 par le ministre du Travail, communiste, Ambroise Croizat. Ce personnage, qui mit en place une institution essentielle à notre vie de tous les jours, reste très injustement méconnu. Une autre réalisation essentielle du programme du CNR fut le droit de vote enfin accordé aux femmes par une ordonnance du CFLN du 21 avril 1944. Les premières élections auxquelles les femmes participèrent furent les élections municipales d’avril-mai 1945.

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